« Le jardin, c’est de la philosophie rendue visible » écrivait Erik Orsenna dans Le Monde de l’éducation. Le jardin, reflet de pensées, de paysages imaginaires ou d’idéal de beauté dans un environnement de vie se meut en une véritable retranscription de l’esprit. Alors, le pont invisible entre la littérature et l’espace se forme. Ce sont par les mots que la pensée se construit et par la nature que l’idéal se dessine sous le regard émerveillé du rêveur.
La contemplation de la nature a inspiré au fil du temps un nombre important de réflexions sociales, philosophiques ou littéraires, et la représentation des paysages a toujours captivé les plasticiens. Le travail du jardin devient alors une manière de poétiser une nature déjà belle, de transfigurer le sauvage vers un idéal qui ressemble à l’homme. Le Jardin Japonais en cela n’est pas qu’une esthétique. C’est le beau qui a du sens, le maîtrisé qui signifie. Le jardin devient une symbolique aussi complexe qu’elle n’est simple et évidente. Si le jeu sur les perspectives, sur les tailles et les formes nous parait d’une complexité singulière, c’est pour permettre à la simplicité de se dévoiler et à l’émotion de faire surface.
Mirei Shigemori, écrivain Japonais du XXe siècle consacre une longue étude aux jardins et à l’art paysager de son pays. C’est la littérature qui devient l’outil pour expliquer cette science complexe. La poésie permet alors l’apprentissage, soulignant la nécessité de l’instruction. Le Jardin Japonais est une expression artistique à part entière qui, évoluant au fil des siècles, transfigure sous ces formes qui lui sont propre, les émotions des hommes.
Roches, arbres, points d’eau et plantes sont ainsi assimilés, mis ensembles et conceptualisés afin d’obtenir un point de vue délicieusement dissymétrique prenant source dans l’équilibre parfait entre les espaces pleins et les espaces vides, provoquant la sensation d’ouverture. Le jardin devient un espace de sérénité, propice à la réflexion et à l’apaisement. Comme un parcours à emprunter à travers le végétal, le jardin japonais crée un lien direct entre l’esprit et la nature. Ainsi, le jardin se contemple comme un tableau, une oeuvre d’art vivante qui délivre ses secrets au fil des saisons. Tous les sens y sont convoqués. Du parfum des plantes jusqu’à la douce mélodie de l’eau, l’espace devient propice à la déambulation, l’introspection et la rêverie du flâneur.
Il n’est pas rare en littérature de rencontrer des comparaisons entre l’âme humaine et le jardin. « En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles. » écrivait Khalil Gibran dans Le Sable et l’écume. Concevoir le jardin n’est alors pas qu’un travail esthétique mais une véritable plongée dans le sensible et la singularité.
Sources photos
MIZ collections
Modernizing the Japanese Garden, Christian Tschumi, Markuz Werneli, Stone Bridge, 2005
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