Alors que la nature entre peu à peu dans l’hiver, les paysages changent, les couleurs se transforment et la contemplation alors se cristallise. L’espace convoque cette sensation d’infinité et de liberté que l’on souhaite retranscrire ou reproduire. Si la nature a toujours été la source d’inspiration première pour les aménagements paysagers, elle fut également au fil des âges un des sujets les plus traité en littérature ou en histoire de l’art. Il s’agit pour les artistes de saisir un instant fugace pour le retranscrire dans l’intemporalité. La contemplation de la nature a de ce fait toujours permis une introspection nécessaire à la bonne compréhension de la condition humaine. « La terre nous en apprend plus long sur nous que tous les livres. Par ce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle » écrivait Saint-Exupéry dans Terre des hommes.
Ce lien invisible que nous établissons avec l’environnement qui nous entoure fonctionne comme le socle de toute vie humaine. Il s’agit pour les artistes de tenter de le retranscrire dans un saisissement du moment. Alors que la photographie fige et démultiplie l’instant — cet instant qui quelques secondes plus tard n’existe déjà plus —, la peinture rend aussi compte d’une réalité plus tourmentée encore par les impressions de l’esprit. Les crépuscules de William Turner, les paysages mystérieux de Caspar David Friedrich, les mers tourmentées de Gustave Courbet ; tous ont éprouvé le besoin d’immortaliser une nature mouvante et singulière.
« C’est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes » Jean Anouilh, Antigone.
Il s’agit alors de tenter de comprendre ce qu’est véritablement cette composition de l’esprit permettant de figer ce qui par nature ne l’est pas. « Composer des paysages par invention, ce n’est pas l’art d’imiter la nature individuelle… c’est former une représentation artificielle du paysage sur les principes généraux de la nature. » expliquait Alexander Cozens. Cette représentation artificielle du paysage dont parle ici le peintre et graveur Britannique dépasse alors la dimension artistique et trouve également tout son sens dans l’architecture du paysage. L’homme éprouve du réconfort dans la représentation d’une nature qui lui échappe et se rassure dans la capacité d’imiter sa singularité selon sa propre imagination.
Le Jardin d’hiver nait en Europe à la fin du XVIIIe siècle. Alors que les scientifiques anglais ramènent un grand nombre de plantes de leurs colonies des Indes, il s’agit pour eux de trouver un moyen de reproduire un microcosme qui ne peut subsister dans les climats hivernaux européens. Très différent de la serre classique, le jardin d’hiver s’équilibre entre deux fonctions bien distinctes que sont celles du lieu de vie et celle du jardin botanique. Espace suspendu entre le rêve de l’ailleurs et la réalité, le jardin d’hiver commence peu à peu faire la liaison entre les maisons et les jardins européens. L’artificiel devient ainsi le moteur de la création, permettant de figer un paysage imaginaire dans une réalité.
Le jardin d’hiver de l’hôtel de Gaston Menier photographié par Raoul Saisset, après 1892
© Musée d’Orsay, dist. RMN-GP / Patrice Schmidt
Cette tradition architecturale et paysagère continue aujourd’hui d’être réinventée et repensée. Espace de vie où se mêle facilement le classique et le contemporain, il devient un endroit essentiel de transition entre l’intérieur et l’extérieur. Agrumes, plantes grasses, cactus, orchidées, bougainvilliers, jasmin d’hiver, bégonia, rosiers ou aralia du Japon… ; le choix des plantes est immense si la température est attentivement controlée.
Entre réalités et chimères, authenticité et ingéniosité, le jardin d’hiver prend forme comme un tableau que l’on contemple, affrontant les saisons et les changements inéluctables de la nature.
Source photos
MIZ collections
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